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 2.7.2 Production de textes par des élèves en journalisme

2.7 Valoriser le travail accompli

 

 En parallèle des autres actions de valorisation par les membres du comité de pilotage, le réseau propose au Cesti, l’école de journalisme de Dakar, de faire travailler les élèves à partir des éléments issus de l’atelier interculturel de Lift pour faire produire aux élèves en journalisme issus des différents de la sous-région, deux sur leur approche des thèmes abordés (voir 2.6.2 Atelier interculturel lors de Lift Marseille 2010 page 31)

Faut-il parler français dans un à fort taux d’analphabètes ?

Par  Babacar Willane, Omar Kandé, Firmain Eric Badinga et Lamine Touré

A cette question, les réponses sont variées. Mais celle qui fait l’unanimité c’est qu’il faut le faire. Sa pratique dépasse dès lors toutes les règles grammaticales classiques pour se conformer à un usage local, c’est-à-dire en n’y associant étroitement certaines expressions de nos langues vernaculaires.

Dans la banlieue dakaroise, les populations analphabètes se flattent de parler la langue de Molière ; l’essentiel  pour elles, c’est de faire passer le message et de se faire comprendre.

Au , les personnes âgées  qui ne comprennent pas le français n’essaient même pas de le parler. Une fierté traditionnelle les y poussent : « je n’essaie pas, je n’ai rien à faire avec le français. Je ne suis pas un toubab (un occidental). Moi, je ne vous envie pas du fait que vous vous prenez pour des toubabs ».

Mais même si elle n’est pas prête à faire des efforts, Fanta et ses camarades de la même classe d’âge ont surtout un problème de prononciation de deux consonnes françaises : « règle moi mon portaboule » dit-elle, impossible pour elle de sortir le son « bl ». Maty Fall, sa voisine, dit : « sa faran » pour « cent francs ». En plus du problème de la prononciation de deux consonnes successives (« fra », « bl »), elle a des difficultés avec les voyelles nasales : à la place de « an » ou « on », c’est toujours « a » ou « o ».

« Je n’ai jamais été à l’école, je prononce de mon mieux les mots français », se plaint-elle.

Par contre, les personnes âgées qui ont fait des études n’ont aucun problème de prononciation.

Le vieux Moustapha Ndiaye soutient à ce propos : « Notre époque n’a rien de semblable au vôtre. Du temps de Senghor, la langue française était presque sacrée. Nous la parlions tous de la façon la plus académique possible. Syntaxe, grammaire, conjugaison, tout était respecté, se glorifie-t-il ».

« Actuellement les jeunes ne parlent plus le français », ajoute son compagnon.

A Grand Yoff, banlieue dakaroise, au beau milieu de ses amies, dans une salle non moins confortable, Souadou Diédhiou, Sénégalaise de bon teint, la quarantaine révolue, s’exprime dans un français lapidaire sur les élections présidentielles à venir en rapport avec le contexte social, le tout dans une ambiance déconcertante : « nous allons woté (voter) opposition. Abdoulaye Wade rien fait ici », « tout ser (cher), si tu pars marsé (marché) awec (avec) mille francs, tu assète (achète) seulement mauwé (mauvais) poisson » maugrée-t-elle.

L’essentiel pour cette femme, c’est de se faire comprendre par les siennes qui elles se retrouvent bien dans cette discussion. Pour se justifier elle soutient que le français n’est pas une langue vernaculaire et pour s’en sortir il faut l’adapter au contexte sénégalais c’est-à-dire le combiner parfois avec nos  langues pour faire passer le message.

Dans cette ambiance bon enfant, en cette matinée de saison sèche à Dakar, Aissatou, le regard furtif, l’écharpe bien rangée tout autour de son coup s’attaque au gouvernement du .

«  Gornement (gouvernement) rien, posse (poche) seulement et soli wature (jolies voitures) partout, partout » ; suffisant pour susciter un tollé de rires chez ses camarades. Pourtant, tout semble pareil dans ce groupe. Elles n’accordent aucune attention à l’usage qu’elles font du français. Selon elles, la réintroduction sans règles de nos langues dans le français constitue la meilleure manière  pour parler cette dernière.

A Ben Tally, quartier non loin de Grand Yoff, Ismaïlia Diallo, 23 ans, ressortissant guinéen de teint clair, entonne dans la même logique : « Je me débrouille en français si je dois parler avec des gens qui ne comprennent pas ma langue peulh ou le wolof. » Ce jeune qui tient un télécentre explique : « Au , je parle rarement le français parce que tout le monde communique en wolof. Si c’est dans mon , la guinée, on communique le plus souvent en français ».

En essayant de manier la langue de Molière, il fait apparaitre son accent sans le vouloir et parfois, sans s’en rendre compte. A cela, il répond : « c’est naturel, le français n’est pas notre langue maternelle. Ce qui fait que quand on l’utilise il y a l’accent de la langue locale qui apparaît ». Modou, conducteur de charrette, confie qu’il s’exprime rarement en français parce qu’il n’a pas fait de longues études. Cependant, il dit qu’il parle un « français à la Sénégalaise » avec des expressions comme « sa wa (ça va) », « comment tu wa (comment vas-tu ?) », etc. Il écorche les mots français et, à la longue, il croit même que ces mots font partie du vocabulaire de son ethnie.

Ndongo Sène, du marché « Nguélew » (« Vent » en français) abonde dans le même sens : « Je m’exprime difficilement en français. Je n’ai jamais fréquenté l’école. Pour communiquer avec une personne qui ne comprend pas ma langue, je me débrouille en utilisant la communication gestuelle », explique t-il. Pour ce Sérère, quand les Africains parlent français, il est naturel qu’ils aient un accent parce que cette langue n’est pas la leur. Une idée approuvée par son voisin Waly  selon qui, au , ceux qui n’ont pas un haut niveau d’études parlent difficilement le français. Il y a toujours les tics de langue.

Le jeu des expressions

Travaux des étudiants de 3ème année du CESTI () sous la direction du Pr Alioune DIENG

Toutes les langues ont leurs particularités. Le français ne fait pas exception à cette règle. Souvent il y a des mots ou expressions qui existent dans une langue, mais ne le sont pas dans d’autres et vice versa. Également des mots sont puisés dans une langue, qu’on les déforme  ou pas pour signifier autre chose que ce à quoi il fait référence dans sa langue d’origine. L’un des facteurs majeurs du fossé entre le français et ces « français » est que ces derniers ne sont pas normalisés et n’ont pas de principes grammaticaux orthodoxes.

Quelques exemples illustratifs des rapports complexes entre le français et deux langues nationales africaines (le wolof et le bamabara) permettent de s’en rendre compte.

Certaines expressions françaises utilisées au servent à traduire littéralement des mots wolof qu’on ne trouve pas en français.

Pour traduire le mot « Kal » du wolof (ethnie majoritaire du ), on recourt à l’expression « cousin à plaisanterie » pour désigner une personne à qui on peut tout dire sur un ton plaisantin selon un système patronymique établi, par exemple, par la société wolof ().

« Couteau à double tranchant » est une traduction littérale d’une expression wolof renvoyant à quelqu’un qui sème la discorde entre deux individus ou groupes d’individus. 

L’expression « arbre à palabres » (wolof) sert à désigner la « place du village », voire une « assemblée de dignitaires ». L’« arbre à palabres » est donc l’arbre sous lequel on se met pour discuter. De façon générale, c’est l’assemblée des dignitaires qui se réunissent sur la place du village pour trancher les différends ou pour parler des grandes questions touchant la vie communautaire.

Le terme « bois sacré », quant à lui, renvoie au lieu où se déroulent les rites traditionnels (circoncisions, rites d’initiation, etc.), surtout chez les Diolas de la Casamance (sud du ).

Au , on n’hésite pas à emprunter à l’anglais des termes qui, par la suite, sont francisés. De l’anglais « to coax » (enjôler), le mot « coxeur » est passé en français du tout en gardant un peu de sa signification dans la langue de Shakespeare. Il est utilisé pour désigner un « rabatteur de clients » pour un véhicule de transports en commun. Ce mot n’a rien à voir avec le verbe français « coxer » (arrêter, appréhender en argot), utilisé souvent dans l’expression « se faire coxer », c’est-à-dire « se faire arrêter »

Le bambara, parlé surtout au , est riche en emprunts au français.

Le mot Bambara « mobili » vient du français « mobile » et veut dire véhicule (car, voiture pour particulier, bus). « pilassi » vient du français « place » et veut dire « place, endroit ». Il en est de même pour le mot « baragui », qui signifie « barrage » en français.

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